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07 février 2025

Makatea, l’île hors du temps


Prête avec la gaffe magique pour attraper la bouée

Makatea n’est pas un atoll comme les autres. Ici, pas de lagon turquoise bordé de motus. À la place, un vaste plateau de calcaire, cerné de falaises abruptes de 80 mètres de haut. Cette particularité rend le mouillage compliqué : l’ancre est inutile dans ces profondeurs, et seules trois bouées permettent aux navigateurs de s’arrêter. Nous avons eu la chance d’en trouver une libre à notre arrivée.
Un petit poisson dans la pompe...
Après une courte sieste pour récupérer de la traversée, nous nous préparons pour une session de snorkeling. Mais, comme souvent en bateau, un problème technique nous retarde. Cette fois, c’est la pompe des toilettes qui décide de rendre l’âme.
Depuis trois mois, elle donnait des signes de faiblesse. À chaque utilisation, je devais pomper frénétiquement pour espérer un résultat, fonctionnant en apnée, littéralement et métaphoriquement. Christophe, fidèle à son habitude, voulait la faire durer "jusqu’au bout de sa vie". Eh bien, nous y sommes !
Après démontage, nous trouvons le coupable : un petit poisson coincé dans un joint. La pompe remplacée, c’est une révolution à bord. Qui aurait cru qu’un simple changement technique pouvait transformer une corvée en plaisir ?
Enfin, nous pouvons nous offrir notre snorkeling. L’expérience est magique : suspendue dans l’immensité bleue, je nage au-dessus d’un tombant vertigineux dont je ne peux voir le fond. L’impression de flotter dans le vide est impressionnante (sans penser aux grosses bêtes ... of course !).





À la découverte de l’île

Le lendemain, nous mettons pied à terre. Le petit port est désert. Il faut marcher jusqu’au village, perché sur le plateau, pour croiser une première âme : Papa Gilles, un cultivateur de vanille. Il émerge de la jungle, tout sourire, et nous accueille chaleureusement. Son quotidien ? Le "mariage" des fleurs de vanille, une opération minutieuse qui consiste à soulever la membrane séparant les organes mâles et femelles de la fleur et à les frotter ensemble pour assurer la fécondation. Il effectue ceci avec un gros clou.  Sans cette intervention humaine, il y aurait très peu de gousses. La pollinisation naturelle est possible mais extrêmement rare en dehors du Mexique où des abeilles endémiques ou des colibris peuvent féconder les fleurs.






En chemin, nous discutons avec un couple de retraités assis devant leur maison. L’île vit au ralenti, loin de l’agitation des grandes îles polynésiennes.

Nous avions entendu parler du maire, qui fait visiter son île. Mais lorsque nous l'avions  appellé, il était à Tahiti. À la place, nous trouvons Ruben, qui accepte de nous guider le lendemain, en même temps qu’un couple d'américains arrivant en charter. Il s'agit en fait d'un autre guide.

Makatea est une île presque oubliée des circuits touristiques. Il n’y a ni aéroport ni liaison maritime régulière. Une goélette-cargo vient une fois par mois pour livrer des marchandises et transporter quelques passagers. Malgré cela, deux pensions existent, dont celle du maire.

Makatea, l’île aux mille ouvriers

Aujourd’hui, une petite centaine d’habitants vivent sur Makatea. Mais il fut un temps où l’île était un moteur économique pour toute la Polynésie. De 1906 à 1966, Makatea était une mine de phosphate. Son plateau correspond à un ancien lagon, comblé au fil des millénaires par des dépôts riches en minéraux, formant un engrais naturel d’une grande valeur.

L’extraction se faisait à la main, mais un système de chemin de fer – le seul de Polynésie ! – permettait d’acheminer le minerai. Cinq locomotives circulaient sur l’île, reliant les sites d'exploitation au port. Les habitants vivaient alors dans une ville dynamique, avec électricité, commerces, abattoirs, night-clubs et même deux cinémas !

les voies de chemin de fer

un des générateurs


le four de la boulangerie




Il n'y avait pas de route pour monter sur le plateau mais le trajet se faisait par le chemin de fer.

L'île est pleine de trou , la terre contenant 60 à 70% de phosphate ayant été extraite, il ne reste que la roche.



les trous sont très profonds



Mais dans les années 60, les essais nucléaires de Mururoa ont changé la donne. L’État français a préféré réaffecter la main-d'œuvre qualifiée à son programme militaire, et l’exploitation du phosphate fut abandonnée. Makatea s’est vidée.

Aujourd’hui, l’île tente de renaître grâce à l’écotourisme et l’escalade sur ses falaises vertigineuses. Mais sans liaison maritime régulière, le développement reste un défi.

Une île pleine de surprises

Après cette plongée dans l’histoire de Makatea, Ruben nous emmène au belvédère, d’où la vue sur la côte Est est spectaculaire.




 Nous nous arrêtons sur une plage pour boire une noix de coco fraîche, savourant la tranquillité des lieux.



Mais le clou du spectacle nous attend sous terre. Makatea cache un trésor : un réseau de grottes d’eau douce, vestige de son ancien lagon. Armés de masques, tubas et lampes torches, nous explorons l’une d’elles, descendant dans une eau limpide, avançant dans des veines souterraines fascinantes. Une expérience unique et mystique.


À la sortie, le soleil m’éblouit. Il est déjà 14 h ! Le temps a filé sous terre. Ruben nous ramène chez lui, où sa femme, Mata, nous attend avec un festin.



les fameux crabes

déjeuner avec le couple d'américain et leur skipper

À table : découverte du crabe de cocotier

Aujourd’hui, je goûte pour la première fois au crabe de cocotier, une espèce rare sur les atolls habités, tant il est prisé pour sa chair savoureuse. Ruben nous raconte sa technique de chasse : il les appâte avec des noix de coco dans lequelles il pratique une petite encoche, et les attache à des racines; il part les capturer de nuit, lorsqu’ils sont les plus actifs. Seuls les mâles sont prélevés, afin de préserver l’espèce.


C’est un crustacé appartenant à la famille des bernard-l’ermite, mais, à l’âge adulte, il ne dépend plus d’une coquille pour se protéger. Il peut grimper aux arbres et est capable de briser une noix ce coco avec ses pinces. Cela n'empêche pas Ruben de les manipuler à mains nues 😱

Avant d’être consommés, ces crabes sont "purgés" pendant plusieurs jours, nourris exclusivement de noix de coco pour éliminer d’éventuelles charogne qu'ils auraient pu manger. Ruben en vend parfois aux habitants de Rangiroa, la grande île voisine, via la goélette.

crabe emballé pour le voyage; ils peuvent tenir 4 jours ainsi ! pas cool pour eux !
Il devient rare d'en voir sur les atolls car ils ont été trop chassés.

La journée touche à sa fin, et nous repartons enchantés par cette île hors du temps. Si vous passez par Makatea, n’hésitez pas à contacter Ruben (📞 89 72 37 11). Il saura non seulement vous faire découvrir son île, mais aussi **vous indiquer

piments oiseaux



03 février 2025

Traversée vers les Tuamotu : De Moorea à Makatea

Vendredi matin, 7 h, nous levons l’ancre direction Makatea, notre première escale aux Tuamotu. Le départ est sportif : en l’espace d’une heure, Christophe prend un ris, l’enlève, puis le remet tout ca à cause d'un grain ! Le vent souffle à une dizaine de nœuds, et nous naviguons au près serré. Mais Sercul n’aime pas cette allure. Il peine à remonter contre le vent, et les forts courants contraires n’arrangent rien. À midi, devant notre vitesse d’escargot, le capitaine décide de faire escale à Tetiaroa. À ce rythme-là, nous arriverions à Makatea en pleine nuit... du deuxième jour.

une vue d'avion de Tétiaora


Tetiaroa, cet atoll perdu dans l’océan, a une histoire singulière. cet atoll propriété de Marlon Brando (et maintenant de ses héritiers), abrite aujourd’hui un hôtel ultra-luxueux réservé à quelques privilégiés. Nous avons mouillé sur les rares bouées installées pour les charters venant de Tahiti. L’atoll n’ayant pas de passe pour entrer dans le lagon, nous nous trouvons directement dans l’océan, d’où la nécessité de ces bouées.

À peine installés, nous recevons un comité d’accueil : deux requins pointes noires tournent autour du bateau, curieux mais inoffensifs. J'avais envie d’aller à terre, mais la barrière de corail rend le débarquement compliqué. Tant pis, nous nous contentons d’un snorkeling sur le tombant, où la vie sous-marine est foisonnante.

Reprise de la traversée

Le lendemain, départ à l’aube. Je réalise enfin pourquoi Christophe n’aime pas naviguer au près. C’est une allure sportive, certes, mais sur la durée, elle devient épuisante. Il faut constamment surveiller la voile pour rester au plus près du vent sans virer de bord, ce qui, la nuit, se fait à la lumière tremblotante de la frontale. Le pilote automatique, fait de son mieux mais il nous gratifie de quelques  manques à virer, nous obligeant à réagir au quart de tour pour éviter le pire.



Notre objectif : remonter au maximum au vent pour limiter les bords et arriver avant la nuit. Une autre inconnue plane sur notre navigation : y aura-t-il une bouée libre à Makatea ? Il n’y en a que trois et, comme à Tetiaroa, il est impossible de mouiller l’ancre ici. Si elles sont toutes prises, il nous faudra enchaîner directement sur une autre nuit de navigation vers l’atoll suivant.



La mer est agitée, et même Christophe, pourtant habitué aux nuits mouvementées, peine à trouver le sommeil tant le bateau est secoué. De mon côté, je fais mon quart de couche ( ma nuit)  dehors... jusqu’à ce qu’un grain me réveille brutalement, me forçant à chercher un abri.

En route directe, Tetiaroa-Makatea représente 106 miles. Mais avec le vent contre et les bords à tirer, nous avons parcouru 134 miles en 31 heures.

Heureusement, à notre arrivée vers 14 h, non seulement il reste une bouée, mais nous sommes les seuls sur place. Nous decouvrons cette île entourée de falaises ce qui est exceptionnel au Tuamotu.

Une prise... inattendue !

Miracle : nous avons enfin pêché quelque chose ! Depuis le début de notre périple, nous mettons la ligne de traîne à l’eau, mais sans succes !

Tout commence par une bande de frégates qui tournent autour de notre leurre, tentant de le capturer en plein vol. Elles soulèvent la ligne dans les airs, se disputant le précieux butin. Mais c’est finalement un fou de Bassan qui se laisse berner. En plongeant, il s’emmêle une aile dans le fil de pêche.

Christophe remonte la ligne. Je saisis l’oiseau avec précaution, craignant qu’il ne se débatte trop. Avec patience, je libère son aile... Il me fixe un instant, reprend son envol, mais pas sans m'avoir remercié d’un bon coup de bec sur le bras. 😬

Cela fait longtemps que je n’ai pas soigné d'animaux. Je commence à perdre la main… ou alors, la nature trouve toujours un moyen de me rappeler à elle.



31 janvier 2025

Mooréa, (suite) rando et plongées

 Depuis que les Alizés ont repris, ils soufflent forts ! Nous sommes donc toujours en attente d’une fenêtre météo favorable pour rejoindre les Tuamotu. Nous avons donc décidé de changer de mouillage pour varier les paysages et nous rapprocher du débarcadère de Papetoai, facilitant ainsi nos courses. Après quelques miles dans le chenal, nous avons trouvé un petit coin de paradis : un mouillage idyllique entouré par des eaux calmes et surplombé par les majestueuses montagnes de Moorea. Le cadre était si enchanteur qu’il me donnait envie de partir à nouveau explorer ces sommets.




Hotel intercontinental à l'abandon depuis le Covid !

Un matin, avec cette idée en tête, Christophe m’a déposée à terre de bonne heure. Je voulais me rendre jusqu’au célèbre belvédère de Moorea, point de départ de plusieurs randonnées. J’ai décidé de tenter ma chance en stop, car la distance à parcourir était trop longue pour y aller à pied. Le premier véhicule qui m’a prise m’a avancée jusqu'à la bifurcation, mais c’est la deuxième personne, une femme sympathique, qui a rendu mon aventure plus conviviale. Elle allait rejoindre un groupe d’amis randonneurs. Voyant que mes chances de continuer en stop étaient limitées sur cette route peu fréquentée, elle m’a proposé de me joindre à eux.

J’ai accepté même si j'avais plutot envie de marcher seule. Nous avons emprunté un chemin ombragé à travers une forêt luxuriante, où les senteurs de végétation tropicale se mêlaient aux bruits apaisants de la nature. La montée vers le belvédère, était plutôt cool, et elle s’est faite dans la bonne humeur et les discussions. La vue depuis le belvédère était magnifique : le Mont Rotui et les deux grandes baies de chaque côté.



La descente fut tout aussi intéressante, car nous avons emprunté le « chemin des ancêtres », un sentier chargé d’histoire. Ce parcours traverse une zone où se trouvent de nombreux marae, ces anciens sites sacrés polynésiens. Ces plateformes de pierres, vestiges d’un autre temps, témoignent des traditions et des croyances de la culture locale. C’était fascinant d’imaginer les cérémonies et rassemblements qui avaient eu lieu ici, il y a des siècles.





Deux bergers allemands étaient de la ballade !

Champs d'ananas 

Après deux heures de marche en compagnie de ce groupe chaleureux, ma nouvelle amie a eu la gentillesse de me ramener jusqu’au débarcadère.  Elle s'est meme arrêtée pour que j'achète des pamplemousses sur le bord de la route. J’ai retrouvé Christophe, prête à lui raconter cette nouvelle aventure riche en rencontres et en découvertes. Chaque jour ici semblait offrir une nouvelle occasion de se laisser surprendre, que ce soit par la beauté des paysages ou par la gentillesse des habitants.


L'église protestante
Dimanche matin, nous avons décidé d’assister à la messe dans l’église protestante du village. L’ambiance était calme et paisible, bien différente de ce que nous avions connu ailleurs en Polynésie. La cérémonie était rythmée par une alternance de sermons en Polynésiens, étonnamment dirigés par des femmes, et de chants accompagnés par des musiciens. Cependant, malgré la beauté des chants, l’atmosphère n’avait pas la même intensité qu’aux Marquises, où la ferveur et les mélodies étaient profondément émouvantes et envoutantes.



Dans l’assistance, une femme particulièrement bien habillée a attiré mon attention.

en y regardant de plus prêt,  il s'agit d'un raéraé (personne travestie ou transgenre) que l'on voit assez fréquement en Polynésie.

Pour changer du snorkeling, je me suis offert deux plongées bouteille pour voir les spécialités du coin à savoir les requins citrons et les tortues. 
C'est probablement le même requin, une femelle qui nous tournait autour et que nous avons vu plusieurs fois. C'est une belle bête, imposante, d'environ 3 metres de long. Heureusement qu'ils ont la réputation d'être gentils ! 😜
Je m'étonnais de ne pas avoir vu beaucoup de tortues en Polynésie, là j'ai été servie !!!
Il y en avait partout, beaucoup se reposant sous les surplombs coralliens.
On observe deux espèces: 
 - la tortue verte ( la plue courante) qui se nourrit d'algues et de plantes marines 
- et la tortue imbriquée dont le bec est plus pointu et la carapace plus sale et qui se nourrit d'éponges, de coraux mous et d'autres invertébrés. 
L'appellation "tortue verte" vient de la couleur de sa chair et non pas de celle de sa carapace.
Une tortue verte était particulièrement amicale avec moi : j'ai eu droit à plusieurs coups de pattes,  notament sur mon masque 😂.
Désolée, j'ai oublié de mettre la légende sur le film et je l'ai déjà téléchargé 😟
J'espère que vous aimerez mon petit montage.


Le captain passe des heures à étudier la météo et il va y perdre la boule car il n'y en pas une qui dit la même chose sur les quatres qu'il consulte 🤪🫨😮‍💨🤔😥 mais c'est décidé, nous appareillons demain pour les Tuamotu, en principe avec une première escale à Makemo mais ça peut changer en fonction de la direction du vent que nous aurons réellement. Nous prévoyons une nuit en mer et plus ou moins deux jours de nav.
Ces dames écaillent les poissons les jambes dans l'eau sans se soucier des requins qui tournent autour !!



je ne me lasse pas de voir ce bleu lagon à travers le hublot ! !