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Prête avec la gaffe magique pour attraper la bouée |
Makatea n’est pas un atoll comme les autres. Ici, pas de lagon turquoise bordé de motus. À la place, un vaste plateau de calcaire, cerné de falaises abruptes de 80 mètres de haut. Cette particularité rend le mouillage compliqué : l’ancre est inutile dans ces profondeurs, et seules trois bouées permettent aux navigateurs de s’arrêter. Nous avons eu la chance d’en trouver une libre à notre arrivée.
Un petit poisson dans la pompe...
Après une courte sieste pour récupérer de la traversée, nous nous préparons pour une session de snorkeling. Mais, comme souvent en bateau, un problème technique nous retarde. Cette fois, c’est la pompe des toilettes qui décide de rendre l’âme.
Depuis trois mois, elle donnait des signes de faiblesse. À chaque utilisation, je devais pomper frénétiquement pour espérer un résultat, fonctionnant en apnée, littéralement et métaphoriquement. Christophe, fidèle à son habitude, voulait la faire durer "jusqu’au bout de sa vie". Eh bien, nous y sommes !
Après démontage, nous trouvons le coupable : un petit poisson coincé dans un joint. La pompe remplacée, c’est une révolution à bord. Qui aurait cru qu’un simple changement technique pouvait transformer une corvée en plaisir ?
Enfin, nous pouvons nous offrir notre snorkeling. L’expérience est magique : suspendue dans l’immensité bleue, je nage au-dessus d’un tombant vertigineux dont je ne peux voir le fond. L’impression de flotter dans le vide est impressionnante (sans penser aux grosses bêtes ... of course !).
À la découverte de l’île
Le lendemain, nous mettons pied à terre. Le petit port est désert. Il faut marcher jusqu’au village, perché sur le plateau, pour croiser une première âme : Papa Gilles, un cultivateur de vanille. Il émerge de la jungle, tout sourire, et nous accueille chaleureusement. Son quotidien ? Le "mariage" des fleurs de vanille, une opération minutieuse qui consiste à soulever la membrane séparant les organes mâles et femelles de la fleur et à les frotter ensemble pour assurer la fécondation. Il effectue ceci avec un gros clou. Sans cette intervention humaine, il y aurait très peu de gousses. La pollinisation naturelle est possible mais extrêmement rare en dehors du Mexique où des abeilles endémiques ou des colibris peuvent féconder les fleurs.
En chemin, nous discutons avec un couple de retraités assis devant leur maison. L’île vit au ralenti, loin de l’agitation des grandes îles polynésiennes.
Nous avions entendu parler du maire, qui fait visiter son île. Mais lorsque nous l'avions appellé, il était à Tahiti. À la place, nous trouvons Ruben, qui accepte de nous guider le lendemain, en même temps qu’un couple d'américains arrivant en charter. Il s'agit en fait d'un autre guide.
Makatea est une île presque oubliée des circuits touristiques. Il n’y a ni aéroport ni liaison maritime régulière. Une goélette-cargo vient une fois par mois pour livrer des marchandises et transporter quelques passagers. Malgré cela, deux pensions existent, dont celle du maire.
Makatea, l’île aux mille ouvriers
Aujourd’hui, une petite centaine d’habitants vivent sur Makatea. Mais il fut un temps où l’île était un moteur économique pour toute la Polynésie. De 1906 à 1966, Makatea était une mine de phosphate. Son plateau correspond à un ancien lagon, comblé au fil des millénaires par des dépôts riches en minéraux, formant un engrais naturel d’une grande valeur.
L’extraction se faisait à la main, mais un système de chemin de fer – le seul de Polynésie ! – permettait d’acheminer le minerai. Cinq locomotives circulaient sur l’île, reliant les sites d'exploitation au port. Les habitants vivaient alors dans une ville dynamique, avec électricité, commerces, abattoirs, night-clubs et même deux cinémas !
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les voies de chemin de fer |
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un des générateurs |
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le four de la boulangerie |
Il n'y avait pas de route pour monter sur le plateau mais le trajet se faisait par le chemin de fer.
L'île est pleine de trou , la terre contenant 60 à 70% de phosphate ayant été extraite, il ne reste que la roche.
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les trous sont très profonds |
Mais dans les années 60, les essais nucléaires de Mururoa ont changé la donne. L’État français a préféré réaffecter la main-d'œuvre qualifiée à son programme militaire, et l’exploitation du phosphate fut abandonnée. Makatea s’est vidée.
Aujourd’hui, l’île tente de renaître grâce à l’écotourisme et l’escalade sur ses falaises vertigineuses. Mais sans liaison maritime régulière, le développement reste un défi.
Une île pleine de surprises
Après cette plongée dans l’histoire de Makatea, Ruben nous emmène au belvédère, d’où la vue sur la côte Est est spectaculaire.
Nous nous arrêtons sur une plage pour boire une noix de coco fraîche, savourant la tranquillité des lieux.
Mais le clou du spectacle nous attend sous terre. Makatea cache un trésor : un réseau de grottes d’eau douce, vestige de son ancien lagon. Armés de masques, tubas et lampes torches, nous explorons l’une d’elles, descendant dans une eau limpide, avançant dans des veines souterraines fascinantes. Une expérience unique et mystique.
À la sortie, le soleil m’éblouit. Il est déjà 14 h ! Le temps a filé sous terre. Ruben nous ramène chez lui, où sa femme, Mata, nous attend avec un festin.
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les fameux crabes |
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déjeuner avec le couple d'américain et leur skipper |
À table : découverte du crabe de cocotier
Aujourd’hui, je goûte pour la première fois au crabe de cocotier, une espèce rare sur les atolls habités, tant il est prisé pour sa chair savoureuse. Ruben nous raconte sa technique de chasse : il les appâte avec des noix de coco dans lequelles il pratique une petite encoche, et les attache à des racines; il part les capturer de nuit, lorsqu’ils sont les plus actifs. Seuls les mâles sont prélevés, afin de préserver l’espèce.
C’est un crustacé appartenant à la famille des bernard-l’ermite, mais, à l’âge adulte, il ne dépend plus d’une coquille pour se protéger. Il peut grimper aux arbres et est capable de briser une noix ce coco avec ses pinces. Cela n'empêche pas Ruben de les manipuler à mains nues 😱
Avant d’être consommés, ces crabes sont "purgés" pendant plusieurs jours, nourris exclusivement de noix de coco pour éliminer d’éventuelles charogne qu'ils auraient pu manger. Ruben en vend parfois aux habitants de Rangiroa, la grande île voisine, via la goélette.
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crabe emballé pour le voyage; ils peuvent tenir 4 jours ainsi ! pas cool pour eux ! |
La journée touche à sa fin, et nous repartons enchantés par cette île hors du temps. Si vous passez par Makatea, n’hésitez pas à contacter Ruben (📞 89 72 37 11). Il saura non seulement vous faire découvrir son île, mais aussi **vous indiquer
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piments oiseaux |